Ils sont bien là mais on ne les remarque pas. Le hasard ou les blessures de la vie les ont poussés dans la rue, où ils vivent la bonne majorité de leur temps. Leur espace à eux, c’est un banc public ou un bout de bitume sur le trottoir. Ils regardent, détachés, cet homme en costume pressant le pas vers le bureau, ou cette mère de famille houspillant ses rejetons sur le chemin de l’école. Très souvent ils dorment d’un sommeil profond, et même le ronflement de la ville et les gaz d’échappement ne les perturbent pas. Le soir, ils abandonnent leur territoire et migrent vers un endroit plus tranquille pour passer la nuit. L’été, un carré de verdure dans la ville c’est plutôt agréable, mais l’hiver c’est beaucoup plus rude, et il n’y a pas toujours de place dans un centre d’accueil. Alors, ils errent sur le pavé avec leurs affaires bourrées dans un sac à dos d’un autre temps ou entassées dans un charriot à roulettes. Toute leur richesse est là. On ne les voit plus. On s’est habitué à leur présence, échangeant un regard, quelquefois un sourire. Et puis un jour, on s’aperçoit qu’ils ne sont plus là. Peut-être ont-ils retrouvé une vie normale. Peut-être pas... Ce sont les vagabonds urbains.