BERTIEN VAN MANEN ▪ LES ÉCHOS DE L’ORDINAIRE
- Eric Poulhe
- 17 août
- 2 min de lecture
CENTRE D’ART GWINZEGAL, GUINGAMP
27 juin 2025 – 12 octobre 2025

Les photographies de Bertien van Manen (1935−2024) ne tiennent ni du journal intime, ni de l’album de famille. Si certains codes visuels peuvent y faire penser, elles ne répondent à aucun de leurs prérequis. Il n’est question ni d’elle, ni de rituels, d’événements ou de mises en scènes planifiées. Elles ne correspondent pas non plus aux canons du spectaculaire et aux lieux communs du photojournalisme ; les événements historiques ou politiques sont bien absents du centre de l’image. Son œuvre pourrait se définir comme une chronique intime et subjective de la vie des gens ordinaires, qui, ballottés par les vents d’une histoire qui s’écrit sans eux et parfois les dépasse ou les écrase, tentent de s’en sortir du mieux qu’ils peuvent — et c’est souvent bien plus héroïque qu’on ne le croit. […] C’est en feuilletant Les Américains (1958), livre de Robert Frank, que Bertien van Manen aura le déclic de la photographie qu’elle veut réellement faire et du monde qu’elle souhaite raconter. […] Fille d’un ingénieur des mines de charbon des Pays-Bas, elle part en 1985 aux États-Unis, dans les Appalaches, à la recherche de femmes travaillant dans les mines. […] Jamais cyniques, ses images oscillent entre beauté et chaos, on peut y suivre sur plusieurs générations la vie quotidienne de ces familles dans leurs difficultés et dans leurs rires. […] Ce n’est sans doute pas un hasard si le lit, comme élément de mobilier, apparaît de manière récurrente dans son œuvre. […] Bertien van Manen sera l’une des premières à se glisser derrière le rideau de fer pour documenter la vie post-soviétique en Russie, Moldavie, au Kazakhstan, en Ouzbékistan et en Ukraine, lors de dizaines de voyages entre 1991 et 2009. Elle n’est pas une photographe de rue, les relations qu’elle tisse sont plus intimes : c’est à l’intérieur des appartements, de leurs cuisines, salons et chambres à coucher, qu’elle nous emmène, tard dans la nuit ou tôt le matin.
[…] C’est avec le même appétit des autres qu’elle tentera, au tournant des années 2000, de faire le portrait d’une société encore plus opaque : en Chine, où la sphère privée et l’individu ont été rendus suspects par la Révolution culturelle et soixante-dix ans de communisme.
Cette exposition nous fait découvrir pour la première fois en France une artiste profondément féministe et engagée. Quatre séries photographiques majeures y sont regroupées : aux Pays-Bas, aux États-Unis, en ex-URSS et en Chine. Cette œuvre fait surgir une réflexion sensible, au-delà des réalités politiques, sur ce qui relie les individus et les sociétés plutôt que ce qui les sépare. Spectacle de vies ordinaires et humbles, la photographie de Bertien van Manen, loin du sensationnalisme et des récits dominants, construit une œuvre documentaire singulière, portée par une empathie de tous les instants.
Centre d’art GwinZegal
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