PIERRE-ELIE DE PIBRAC ▪ PORTRAIT ÉPHÉMÈRE DU JAPON
- Eric Poulhe
- 24 nov. 2023
- 3 min de lecture
MUSÉE GUIMET, PARIS
20 septembre 2023 – 15 janvier 2024

Prolongeant un travail photographique anthropologique et social initié en 2016 à Cuba et qu’il poursuivra en 2024 en Israël, Pierre-Élie de Pibrac (né en 1983) a sillonné le Japon entre décembre 2019 et août 2020 pour réaliser la série Hakanai Sonzai (« je me sens moi-même une créature éphémère »). Au cours de cette enquête immersive, l’artiste est allé à la rencontre d’individualités cherchant à exprimer la singularité d’une histoire personnelle par le biais de leur participation au projet du photographe : yakuzas, rescapés de Fukushima, hikikomori (personnes vivant coupées du monde et des autres, cloîtrées le plus souvent dans leur chambre) ou « évaporés » ayant opté pour une disparition volontaire…
Pierre-Elie Pibrac engage ces échanges intimes par l’envoi de carnets de notes vierges et d’appareils photos jetables, entretenant une correspondance assidue avec ses modèles avant de travailler avec eux en décors et lumières naturels.
En contrepoint à ces tableaux photographiques de grand format un ensemble de photographies noir et blanc propose de somptueux détails du Japon éternel : chutes d’eau, étangs aux profondeurs insondables, canopées à la densité oppressante, architectures abandonnées…
Inspirées de le la tradition japonaise de l’Ukiyo-e, art subtil de l’encre et des gravures sur bois, ces photographies noir et blanc renvoient à la conscience aigüe d’une précarité de l’existence, présente dans la notion de Mono No Aware, sensibilité pour l’éphémère omniprésente au Japon, où les forces aléatoires d’une nature capricieuse et mystique, avec ses séismes terrestres et marins récurrents, pèsent sur la vie des habitants.
Pierre-Elie de Pibrac, Laurence Madeline, Claire Bettinelli, commissaires
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Le Musée Guimet présente un « Portrait éphémère du Japon » du photographe français Pierre-Elie de Pibrac, en regroupant deux séries très opposées, tant sur le fond que la forme.
La première, « Hakanai Sonzai » a été réalisée en couleur. Elle met en avant l’humain. Les portraits ont été réalisés avec un cadrage serré ou lointain. Les sujets sont majoritairement présentés dans une posture immobile. Les compositions sont millimétrées avec un environnement qui sert le sujet et son histoire. Avant de réaliser la prise de vue, Pierre-Elie de Pibrac a entretenu une correspondance ou une relation avec chacun des personnages. Cette intimité et l’émotion qui se dégage de chaque image, n’en est que plus renforcée.
À l’opposé de la première série, « Mono No Aware » a été réalisée en noir et blanc avec l’humain qui disparait complètement au profit de la nature, dans une approche sensible et poétique. Même quand il photographie un immeuble ou la carcasse d’une épave de voiture, c’est la nature qui prend le pouvoir, la neige dans le premier cas, et la végétation qui reprend ses droits dans le second.
Pierre-Elie de Pibrac s’est installé huit mois au Japon, avec sa femme Olivia et ses enfants, pour réaliser ce récit photographique en forme de fable. Pour assister le visiteur dans sa compréhension du cliché présenté, cinq photographies sont accompagnées des commentaires du photographe, expliquant à la fois les conditions de prises de vue, mais aussi la symbolique qu’il avait voulu retranscrire par l’image.
Le plus souvent prises à la chambre sur pied avec un temps de pose calculé, ses photographies ne relèvent en rien d’un reportage, mais plus d’une étude anthopologique avec une recherche esthétique. Pierre-Elie de Pibrac a ainsi pu raconter l’histoire d’un pays à travers quelques habitants, avec beaucoup de profondeur et de sensibilité.
E.P.





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