RAOUL HAUSMANN ▪ UN REGARD EN MOUVEMENT
- Eric Poulhe
- 4 mai 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
JEU DE PAUME, PARIS
6 février 2018 – 20 mai 2018

L’œuvre photographique de Raoul Hausmann est restée longtemps méconnue et sous-estimée. De cet artiste-clé du XXe siècle, la postérité a d’abord retenu le rôle majeur au sein de Dada Berlin, les assemblages, les collages, les photomontages, les poèmes optophonétiques, quand les vicissitudes de l’Histoire ont effacé cette autre facette, à tous égards prééminente, de son rayonnement.
À partir de 1927, Hausmann devient pourtant un photographe prolifique. Cette pratique nouvelle pour lui, immédiatement absorbante, devient la clé de voûte d’une pensée globale foisonnante qui culmine jusqu’à son départ forcé d’Ibiza en 1936. Au cours de cette intense décennie, il aura beaucoup réfléchi à la photographie et développé une pratique profondément singulière du médium, à la fois documentaire et lyrique, indissociable d’une manière de vivre et de penser. Ses amis avaient pour nom August Sander, Raoul Ubac, Elfriede Stegemeyer, et Lázló Moholy-Nagy, lequel ne craignait pas de déclarer à Vera Broïdo, l’une des compagnes de Hausmann : « Tout ce que je sais, je l’ai appris de Raoul. »Hausmann trouvera finalement refuge en France, dans le Limousin où il meurt en 1971, cinq ans après sa première rétrospective au Moderna Muse et de Stockholm.
L’oubli qui a nimbé l’œuvre de Hausmann redouble sa traversée du siècle clandestine. Lui qui fut taxé d’artiste « dégénéré » par les nazis et quitta précipitamment l’Allemagne en 1933 dut abandonner bien des clichés sur la route de ses exils pressés. Son travail photographique est, dès lors, demeuré secret, largement invisible, présumé perdu, avant que ne soit presque miraculeusement découvert, entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980, un fonds jusque-là inconnu dans l’appartement de sa fille à Berlin (aujourd’hui à la Berlinische Galerie). Les fonds français, principalement conservés au Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart et au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne, ainsi qu’au Musée national d’art moderne, se sont constitués dans le même temps, et enrichis jusqu’aux années 2010. Depuis lors, son aura de photographe n’a cessé de croître.
Cécile Bargues, commissaire et David Barriet, commissaire associé
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Raoul Hausmann est un artiste photographe allemand qui a été une des emblèmes du mouvement Dada de Berlin dans les années 20. A ce titre il a expérimenté beaucoup l’art abstrait et notamment les techniques d’assemblage et de collage. Considéré comme artiste dégénéré par l’Allemagne Nazi, il devra partir précipitamment vers Ibiza en 1933. Sa semi clandestinité va le laisser dans un certain anonymat jusqu’aux années 80 où l’on va retrouver un fond jusque-là inconnu, dans l’appartement de sa fille à Berlin.
Raoul Hausmann n’est pas un perfectionniste de l’image parfaite. En les regardant de près, ses collages par exemple sont assez grossiers, mal découpés. Ses images abstraites ne délivrent pas spécialement d’émotion. En revanche, sa série sur les nus à la plage sont beaucoup plus graphiques, plus en rondeurs. Oppressé par l’atmosphère berlinoise, il aime rejoindre des bords de la Baltique et l’île de Sylt avec les femmes avec lesquelles il partage sa vie, et plus particulièrement Vera Broïdo, une de ses compagnes qui lui servira de modèle. Les images sont peut-être plus classiques, mais assurément elles touchent. Ses photos de dunes avec des herbes sont minimalistes mais assez intéressantes car elles expriment un mouvement comme des ondulations.
Arrivé à Ibiza en 1933, qui est loin d’être l’île « Jet Seteuse » que l’on connait aujourd’hui, le photographe fait évoluer sa pratique. Il est fasciné par la forme des maisons paysannes. Dans ce travail, il a plus une approche documentaire d’étude architecturale que d’expression artistique. Ce qui l’intéresse c’est la fonction de l’habitation, en rapport avec ses habitants. Ses photos serviront d’ailleurs à illustrer des articles dans les revues d’architecture de l’époque. Comme pour ses œuvres abstraites, ses clichés n’ont pas vocation à être beau ou à émouvoir, mais sont un support de compréhension et de documentation.
A l’éclatement de la guerre d’Espagne et l’arrivée des Franquistes sur l’île, il devra quitter Ibiza pour le début de son long exil. Cette situation ne lui permettra pas de se consacrer de façon assidue à la photographie et le fera alors tomber dans l’oubli.
E.P.





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