CARTE BLANCHE À HASSAN HAJJAJ
- Eric Poulhe
- 4 oct. 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 mai 2021
MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, PARIS
11 septembre 2019 – 17 novembre 2019

La MEP est heureuse de présenter la première rétrospective en France de l’artiste Hassan Hajjaj, en lui donnant carte blanche pour investir la totalité de ses espaces. Le grand parcours, qui retrace plusieurs années du travail de l’artiste anglo-marocain, présente de nombreuses séries photographiques, mais également des installations, des vidéos, du mobilier et des éléments de décoration. Les espaces éducatifs au sous-sol de la MEP abritent un studio où les visiteurs peuvent se prendre en photo devant un mur de papier peint, cadre symbolique et habituel des prises de vues de Hassan Hajjaj. Enfin, la nouvelle librairie de la MEP présente une gamme de vêtements et objets décoratifs réalisés par l’artiste. Autodidacte, Hassan Hajjaj ne se fige dans aucun genre ni aucune forme.
Né en 1961 à Larache au Maroc et londonien depuis 1973, Hassan Hajjaj, vit et travaille depuis lors entre les deux pays ; il est autant influencé par les scènes culturelles et musicales londoniennes, que par son héritage nord-africain. Son univers artistique traduit sa capacité à créer des ponts entre ces deux cultures, comme le révèlent ses séries photographiques, entreprises dès 1980. Grandes compositions colorées, adoptant les codes de la photographie de mode contemporaine et du pop art, elles font se croiser les styles, les univers et les icônes.
Mais au-delà de l’humour parfois volontairement kitsch qui s’en dégage, elles donnent de la force au propos engagé de l’artiste. Si Hassan Hajjaj joue avec l’imagerie des marques, c’est tout autant pour répondre à la question d’un « nouveau pop art aujourd’hui », qu’une façon d’exprimer son point de vue, décomplexé, sur la société de consommation et le port du voile. À travers l’appropriation des marques par les jeunes femmes voilées, l’artiste interroge ainsi la question de politique d’identité.
Ce mélange entre le fond de son discours et la forme pop qu’il lui donne, se traduit jusque dans les encadrements de ses photographies, qu’Hassan Hajjaj fabrique en relief à partir d’objets de consommation majoritairement marocains (boîtes de conserves, canettes de soda, tubes d’harissa, etc…) et qui deviennent partie intégrante de l’œuvre. Ainsi, le surnom que lui avait donné Rachid Taha n’est sûrement pas un hasard : Andy Wahloo*, aphorisme qu’Hassan Hajjaj appose sur ses vêtements ou prête à un bar parisien éponyme dont il a signé le design.
* « je n’ai rien » en arabe
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Le roi du pop art marocain, Hassan Hajjaj, a investi tous les espaces de la Maison européenne de la photographie qui a été rebaptisée pour l’occasion, Maison marocaine de la photographie. On peut y voir des photographies mais aussi des meubles, des vidéos, des mannequins habillés de vêtements de mode et même une Mobylette. Au-delà d’être photographe, Hassan Hajjaj est un créatif au sens large, touche à tout, créateur de mode, décorateur. Son ami, le chanteur Rachid Taha l'avait surnommé « Andy Wahloo » en référence au mythique artiste américain Andy Wahrol qui fit la renommée des conserves de soupe Campbell. L’exposition est une explosion de couleurs tant au niveau des photographies que des cadres composés de boites de conserve qui renforcent le graphisme et les couleurs des images.
Avec sa propre personnalité, Hassan Hajjaj revisite le pop art à la sauce marocaine en s’inscrivant en couleur dans la lignée de ses prédécesseurs, les photographes maliens Seydou Keita et Malik Sidibé, maîtres de la photographie de studio. Dans la série « My Rockstars » Les portraits d’artistes d’horizons divers, leur rendent hommage.
Mais au-delà d’une légèreté et d’un kitsch apparent, il touche à des problèmes de société plus profonds comme les femmes voilées qu’il photographie sous toutes les coutures et dont les images interrogent sur la question de l’identité et de la place de la femme dans la société.
Dans la médina de Marrakech, il photographie de jeunes femmes sur des mobylettes avec des vêtements traditionnels aux motifs et couleurs criards. Telles des amazones, ces jeunes femmes, voilées mais pas soumises, affichent clairement leur personnalité et une certaine forme d’indépendance. En mettant clairement le voile en avant dans ses images, Hassan Hajjaj ne juge pas mais en donne une vision positive. Le voile est représenté avec beaucoup d’humour et parfois dérision quand il devient un objet de mode incontournable.
Enfin, pour terminer l’exposition, Hassan Hajjaj a souhaité montrer, dans un style documentaire, certains clichés pour la plupart en noir et blanc, de scènes de vie quotidienne. Même si la mise en scène est toujours présente, ses prises de vue sont plus spontanées. Réalisées au cours des vingt dernières années, elles sont un témoignage de l’énergie que perçoit l’artiste des Marocains et des Marocaines.
E.P.
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