BORIS MIKHAÏLOV, JOURNAL UKRAINIEN
- Eric Poulhe
- 14 oct. 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 avr. 2023
MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, PARIS
7 septembre 2022 – 15 janvier 2023

À la rentrée, la MEP consacre à l'artiste ukrainien Boris Mikhaïlov sa première rétrospective en France, sans doute la plus ambitieuse jamais présentée à ce jour. Bien que l’idée ne date pas d’hier, les contraintes d’agenda résultant de la pandémie placent l’événement dans le contexte d’une guerre que peu auraient pensé possible au 21e siècle. À l’heure où un consensus international révèle la nécessité d’apporter un soutien, non seulement à la population ukrainienne, mais aussi à sa culture – menacée bien au-delà de ses frontières – la MEP est fière de pouvoir présenter l’œuvre de Mikhaïlov à Paris. Une fierté inévitablement teintée de tristesse, quand on sait que Boris et Vita Mikhaïlov, dont la ville natale de Kharkiv a été dévastée par le conflit, entretiennent un lien politique et personnel avec leurs habitants, atteints, comme le pays, de façon irréversible. Mikhaïlov figure parmi les photographes les plus influents de sa génération, et son exposition réunira des travaux venus de prestigieuses collections (notamment de la Tate à Londres et de la collection Pinault à Paris), en signe de la place de choix qu’il occupe dans le paysage photographique contemporain. À la croisée du documentaire, de la performance et de l’art conceptuel, les « journaux intimes » de Mikhaïlov, chroniques du quotidien en Ukraine avant et après la chute de l’URSS, rappellent la richesse d’une histoire et l’infinie résilience d’un peuple. Un témoignage sensible et unique sur le destin de celles et ceux qui, chaque jour, luttent pour leur vie et triomphent contre l’adversité. En écho à ce temps fort, la MEP a invité trois artistes émergents à investir le Studio autour de thèmes récurrents dans l’œuvre de Mikhaïlov : Elsa & Johanna, dont les autoportraits oscillent entre performance et album de famille, et Antony Cairns, dont les scènes de rue retouchées et colorées à la main sondent les mutations urbaines.
Simon Baker, directeur de la MEP
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
La Maison Européenne de la Photographie présente une grande rétrospective consacrée à l’artiste ukrainien Boris Mikhaïlov considéré comme l’un des artistes contemporains les plus influents d’Europe de l’Est. Dès la fin des années 1960, Boris Mikhaïlov développe une œuvre photographique expérimentale autour de sujets sociaux et politiques. Il dépeint l’influence du régime soviétique sur la vie quotidienne des individus et les conséquences sociales et politiques engendrées par l’effondrement de l’URSS.
Avec ses séries Luriki, Sots Art et Red, Boris Mikhaïlov utilise l’image avec beaucoup d’ironie et d’autodérision, se jouant de l’imagerie de propagande. Il offre un témoignage visuel sans concession des réalités sociales de son pays.
Le photographe aime également se mettre en scène et se donner en spectacle, seul ou avec sa femme Vita qui lui sert également très fréquemment de modèle.
Après les années de bonheur du début des années 1980 et ses souvenirs photographiques de vacances à Goursouf, la station balnéaire de la péninsule de Crimée, les clichés de la fin de la décennie et des années 1990 sont beaucoup plus « trash ». Avec le projet « Case History », réalisé en 1997 et 1998, il s’intéresse aux « bomzhi », les laissés-pour-compte de la rue. Après une année passée en Allemagne, Boris Mikhaïlov découvre une ville de Kharkiv transformée, avec un fossé qui s’est creusé entre les riches et les pauvres. Les images sont dures, bouleversantes, dérangeantes. Le photographe les commente ainsi : « J’ai vu passer dans les rues une foule de sans-abri. L’idée m’est alors venue de dédier un requiem à ces condamnés. Je les ai d’abord photographiés comme s’ils étaient en chemin vers la chambre à gaz. Mis à nu, sans défense, leurs corps blessés trahissaient l’étendue de leurs souffrances. »
L’exposition, rassemblant près de 400 œuvres, révèle l’ampleur et la diversité de sa pratique. Elle mêle des séries photographiques emblématiques et des images moins connues, plus récentes, qui font, irrémédiablement écho aux événements actuels.
E.P.
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