THANDIWE MURIU ▪ DANS LES YEUX DE THANDIWE
- Eric Poulhe
- 9 juil. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin 2023
193 GALLERY, PARIS
19 mai 2021 – 31 juillet 2021

Thandiwe Muriu, photographe Kenyane aussi enjouée que son travail, présente pour son solo show parisien les nouvelles pièces de sa collection CAMO. En tant que femme artiste, elle se bat chaque instant pour affirmer sa place et son individualité, dans une profession jusque là dominée par les hommes. C’est un combat familial débuté dans les années 80 par sa mère que Thandiwe Muriu poursuit jusque dans les écoles de Nairobi. En effet, elle n’hésite pas à se rendre fréquemment dans ces dernières pour expliquer vaillamment aux petites filles :
« Vous aussi vous pouvez être une artiste ! »
Dans sa série CAMO, Thandiwe Muriu explore la couleur et la beauté de la création africaine. Elle cherche à travers celle-ci à valoriser la femme noire, encore trop souvent écartée des standards de beauté jusqu’au fin fond de son pays. Peau d’ébène, tissus plus extravagants les uns que les autres et accessoires issus du quotidien sont sa marque de fabrique.
La photographe débute sa série CAMO dans un but de reconquête du SelfLove de la femme africaine. Elle y explore ce qu’elle est en tant qu’artiste mais aussi en tant que femme noire.
Le choix du motif et de la couleur est un réel moyen d’expression de la personnalité de l’individu, venant contrecarrer les formes standardisées des tailleurs locaux. C’est également au marché que la photographe déniche ses accessoires. Ces derniers sont issus du quotidien de la vie kényane. L’artiste explique que ce recyclage artistique trouve également son inspiration dans les pratiques locales. En effet, cet acte créatif est monnaie courante pour une population souvent dépourvue de moyens.
« Quand on a peu, on le transforme et on le réutilise. »
Les nouvelles œuvres qui viennent compléter sa collection jouent avec le thème de la cuisine. Thandiwe Muriu tient également à mettre l’accent sur la présence récurrente d’accessoires tournant autour du Soda.
En effet, suite à la colonisation et aux diverses interdictions de consommation de l’alcool traditionnel, ces derniers se sont rapidement imposés dans la culture locale et accompagnent désormais certains rites et pratiques de la tribu Kikuyu à laquelle elle appartient.
Enfin, le travail de Thandiwe Muriu est marqué par la présence des coiffures architecturales de ses modèles, véritable recherche sur une culture ancestrale perdue par la colonisation.
Remarquée dès 2019 par plusieurs médias dont CNN Africa, Thandiwe Muriu obtient le People Choice Award de la Photographe émergente de l’année en 2020 à PhotoLondon.
César Lévy, directeur
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
Créée en 2018, rue des Filles-du-Calvaire, la 193 Gallery s’est installée depuis le 19 mai dans un nouvel espace de 350 m² à deux pas de la place de la République. Elle propose plusieurs fenêtres ouvertes sur le monde de l’art contemporain en présentant des expositions dédiées à des pays et à des artistes contemporains émergents et confirmés. César Lévy, directeur : « Notre mission est de proposer des scènes contemporaines pas assez représentées à notre goût, de l’Afrique, de l’Asie du Sud-Est, des Caraïbes, de l’Amérique du Sud ou de l’Océanie. On se bat pour le mélange des cultures et des styles. »
Jusqu’au 31 juillet, la 193 Gallery présente l’exposition de la photographe kényane Thandiwe Muriu. Elle commence la photographie à 14 ans et s’oriente très vite vers la photographie publicitaire mixant le portrait et la mode. Elle commence la série CAMO en 2015 qui donne une part belle à la couleur et la beauté de la création africaine. Bien qu’elle revisite le portrait avec ses propres codes, ses images renvoient à celle du photographe marocain Hassan Hajjaj dont une rétrospective avait été présentée à la Maison européenne de la photographie, un artiste également représenté par la galerie.
Chaque photographie est le résultat d’un long processus de création. Thandiwe Muriu se met en quête des tissus qu’elle achète sur les marchés de Nairobi. Elle les confie ensuite à un tailleur qui confectionnera le vêtement qu’elle aura conçu au préalable et que porteront ses modèles. Pour apporter une touche personnelle et sortir des codes habituels de la photographie de mode, elle ajoute des accessoires de la vie quotidienne comme des lunettes en plastique pour enfants ou des presse-agrumes. Tous les clichés sont composés sur un fond de scène constitué du même tissu que celui du vêtement. Le contraste et le relief de l’image sont obtenus en jouant sur les verticalités et les horizontalités des trames des tissus. Le rendu graphique est parfaitement réussi.
Thandiwe Muriu entre vraiment dans une processus créatif frais et coloré qui illustre parfaitement le dynamisme du continent africain en termes de création et de mode.
E.P.
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