DAHO L’AIME POP !
- Eric Poulhe
- 16 févr. 2018
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 mai 2023
PHILHARMONIE DE PARIS
5 décembre 2017 - 29 avril 2018

Intimiste et immersive, l’exposition Daho l’aime pop ! retrace chronologiquement et subjectivement, en quelque 200 photographies, la trajectoire de la chanson populaire à travers le regard sensible d’Étienne Daho. Le parcours devient ainsi un voyage spatiotemporel qui promet de plonger dans les sources manifestes et cachées de la pop française et de révéler en images la playlist idéale d’un artiste qui a marqué nos dernières décennies.
Après MMM, la Philharmonie de Paris poursuit son cycle d’expositions associant photographie et musique avec Daho l’aime pop !
Tout au long de sa carrière, en multipliant hommages, reprises et collaborations, Étienne Daho a montré qu’il était un exceptionnel passeur d’histoires et d’images. Il est aussi un photographe méconnu. Depuis quelques années, il témoigne de l’émergence passionnante des nouveaux jeunes gens modernes (Flavien Berger, La Femme, Lescop ou Calypso Valois), qui reconnaissent à leur tour son influence. « Parrain de la nouvelle génération », il donne à voir, à travers son histoire et ses influences, une vision unique de la French Pop. La Philharmonie propose ainsi de découvrir ses portraits inédits des nouveaux habitants de la planète pop, au cœur d’une sélection personnelle de photographies iconiques illustrant sept décennies de la chanson française.
La voix unique d’Étienne Daho guide le visiteur dans l’exposition. Les photographies évoquent les débuts rock à Rennes en 1979 auprès du groupe Marquis de Sade, ainsi que la rencontre avec les Stinky Toys, groupe punk emmené par Elli Medeiros et Jacno, qui marque le point de départ d’une carrière jalonnée de succès critiques et populaires. Inédit, le parcours sonore et musical composé pour cette exposition-événement mène des caves de Saint-Germain-des-Prés aux bars de Rennes, des yéyés à la new wave, des Scopitone aux clips télévisuels, de Charles Trenet à Cassius, en passant par Catherine Deneuve et Vanessa Paradis. La visite devient ainsi un voyage spatio-temporel organisé par Daho, qui promet de plonger dans les sources manifestes et cachées de la pop française et de révéler en images la playlist idéale d’un artiste qui a marqué nos dernières décennies.
Étienne Daho et Tristan Bera, commissaires de l'exposition
Sélection
Commentaire ♥♥♥♥♥
On connait évidemment le chanteur Étienne Daho, mais sait-on qu’il est aussi un photographe méconnu qui depuis quelques années témoigne par l’image de l’émergence de nouveaux talents de la scène française. Parrain de la « French Pop », il fait référence dans le milieu. Que de chemin parcouru depuis ses débuts à Rennes dans les années 80, et la rencontre des groupes Marquis de Sade ou Stincky Toys, dont il tissera une amitié sans faille avec leurs membres comme Elli Medeiros ou Jacno.
Commissaire de l’exposition « Daho l’aime pop ! », Étienne Daho retrace chronologiquement l’histoire de la pop française avec un regard d’une sensibilité et d’une bienveillance remarquable. L’audioguide mis à disposition à l’entrée, guide le visiteur tout au long de l’exposition, avec la voix veloutée du chanteur qui rythme le parcours.
Le premier espace, décomposé en quatre périodes de 1959 à 2016, présentent 180 portraits d’artistes réalisés par des photographes de stars réputés de l’époque, tels que Jean-Marie Perrier, Pierre & Gilles, Antoine le Grand ou Antoine Giacomoni, pour ne citer qu’eux.
ÉEtienne Daho s’inscrit dans l’héritage des chanteurs compositeurs des années 60 et notamment Serge Gainsbourg pour lequel il voue une profonde admiration. Il conserve d’ailleurs une amitié très forte avec Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg avec lesquelles il a travaillé sur plusieurs projets musicaux. Les photos qu’il a choisies reflètent fidèlement cet amour pour la période des années « yéyé » dans lesquelles il s’est nourri avec des artistes comme Michel Polnareff ou Françoise Hardy qui l’ont fortement marqué.
Au début des années 80, c’est au sein de la scène rennaise qu’il développe son inspiration et son talent d’auteur compositeur. Les photos choisies nous ramènent dans cette période d’insouciance et de liberté où les artistes apparaissaient devant l’objectif, dans toutes leurs variantes, avec peu d’artifices. La vie culturelle et musicale rennaise était en pleine effervescence et à cette époque, il n’était pas rare de croiser Étienne Daho à une heure avancée de la nuit du côté de la place des Lys ou à la sortie de la Prison Saint-Michel.
La mise en scène de l’espace pour chacune des quatre périodes est particulièrement bien réalisée avec un enchainement clair et cohérent de l’exposition qu’on retrouve à chaque période. Sur chaque côté de la galerie, on a une vingtaine de photos alignées sur une bande d’environ 40 centimètres de hauteur qui présente les artistes ou groupes caractéristiques de la période.
Séparant chaque période, un mur d’images fait défiler successivement de splendides photos noir et blanc grand format. Elles sont belles, fortes, émouvantes, étonnantes. Par exemple, celle d’Alain Bashung réalisée par Antoine le Grand montre le chanteur tirant une taffe avec un bras semblant désarticulé, dans une posture d’une laxité étonnante. Celle de Charlotte Gainsbourg prise dans un lit une cigarette à la main, par sa sœur Kate Barry, vraisemblablement à son réveil, est également très émouvante de réalisme et de sincérité.
Et puis, on trouve également pour chaque période, un petit moniteur video qui fait défiler des photos d’Étienne Daho avec des artistes du moment, au sommet de leur gloire ou en devenir. Les clichés pris avec Marianne Faithfull, Jane Birkin, Alain Bashung ou Calypso la fille d’Elli et Jacno, sont très touchantes. Elles le sont d’autant plus que le chanteur les commente en les replaçant dans leur contexte, et en délivrant quelques anecdotes truculentes, avec beaucoup d’émotion et de bienveillance. L’image et le son de la voix se marient à merveille et délivrent une émotion très forte.
En marge de la galerie principale, ont été installées trois alcôves. La première qui se trouve au fond de la galerie dans le sens de la visite, accueille le Vidéodrome. Un programme en boucle présente une trentaine de clips-vidéos emblématiques de certains artistes présentés précédemment. Si on a le temps, on peut s’y installer confortablement et profiter de l’ensemble du spectacle qui dure 1 heure 40. Ce n’est pas désagréable de revoir les clips de « Tandem » de Vanessa Paradis, « Osez Joséphine » d’Alain Bashung ou « Epaule Tatoo » d’Étienne Daho.
La deuxième alcôve intitulée « Juke Box Baby » permet au visiteur à l’aide de son audioguide, de sélectionner et d’écouter au choix un titre parmi 200 choisis par Etienne Daho. Ils sont tous présentés sur un double mur au format d’une pochette de 4 tours. Je n’ai vu personne ne pas s’arrêter dans cette alcôve et ne pas se prendre au jeu en fredonnant un morceau connu ou en tapant la mesure avec son pied. Difficile de ne pas y trouver son compte tellement l’éventail de titres proposés est large, depuis Charles Trénet ou Françoise Hardy, à Philippe Catherine ou Catastrophe, en passant par Marquis de Sade ou Daniel Darc et Taxi Girl.
Enfin, la troisième alcôve dite Daholab est le jardin secret d’Étienne Daho. Il y présente une trentaine de photos qu’il a réalisées personnellement de la nouvelle scène française, ou d’acteurs de la pop plus emblématiques. Là aussi la mise en scène de l’espace est très originale et intimiste. On se retrouve littéralement dans un laboratoire photo. Les photos de ce que, Étienne Daho considère comme les parrains de la French Pop (Philippe Pascal, Elli Medeiros, Patrick Vidal et Dominique A), sont présentées verticalement en grands formats sur le mur à l’entrée. Quant à eux, les artistes de la nouvelle scène pop française comme La Femme, Flavien Berger, Calypso Valois, ou Lou Doillon, sont présentés sous forme de tirages posés sur deux tables de travail éclairées par le haut. Comme le photographe qui apprécie son tirage en laboratoire, le visiteur s’oblige à se pencher en avant sur la table afin de découvrir et apprécier lui aussi la photographie.
Indéniablement, cette exposition est très réussie avec le narrateur Étienne Daho, qui nous accompagne dans un voyage visuel et musical dans le temps. Le chanteur iconique nous raconte avec son regard sensible, l’histoire de la pop française. Il se positionne à la fois comme héritier, témoin et passeur de cette fameuse « french pop », et le discours délivré par Charlotte Gainsbourg lors de la remise de sa Victoire d’honneur n’est pas là pour le démentir.
E.P.





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